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DOSSIER SPÉCIAL Stadiummag
Pascal Boniface : "Le club permet d’apaiser
les tensions"
Si le monde est son habituel terrain de jeu, Pascal Boniface, spécialiste de géopolitique et fondateur
de l’Iris (Institut de relations internationales et stratégiques), sait aussi chausser ses lunettes pour ob-
server notre société à hauteur d’homme. Pour ce passionné de sport, et de football en particulier, le club
tient un rôle fondamental et a une fonction grandissante au cœur de notre cité.
Pascal Boniface, que vous inspire la notion de club pas simplement la règle de la passe en retrait ou
citoyen ? Je crois qu’il est d’abord important de du hors-jeu, mais le respect de l’autre, la vie
s’arrêter déjà sur l’idée de club. Il se déve- en collectivité.
loppe une pratique de plus en plus informelle
du sport qu’il s’agisse de la course à pied et Est-ce que cette transformation cor-
même du football. Le terme de club est une respond à un nouveau besoin, à une
notion essentielle car il y a un aspect
structurant collectif qui prend demande ? Ce besoin a toujours
d’autant plus d’importance au existé. Il y a toujours eu des en-
moment où les liens se délitent fants en difficultés scolaires ou
et où il y a beaucoup plus de qui avaient du mal à respecter
zapping. Donc l’idée de club les règles. Simplement le foot
qui crée une collectivité perma- prend une telle importance qu’il
nente par rapport à des collec- acquiert des responsabilités. Et
tivités provisoires est quelque parfois on lui en demande un
chose qui doit déjà être mis en peu trop comme s’il devait cor-
valeur. riger les faiblesses de l’école,
de la famille ou faire ce que
A l’intérieur de ce cadre la société ne parvient pas à
qu’est le club, les choses ont faire. Le foot prend sa part des
désormais évolué. On y re- choses mais il ne possède pas
trouve effectivement classique- de baguette magique et il subit
ment l’apprentissage de l’effort parfois des reproches injustes.
physique ou de la technique. Supprimer le football et la so-
Mais soit directement, soit in- ciété se portera beaucoup plus
directement. Soit volontaire- mal et non pas mieux comme
ment, soit involontairement, veulent le faire croire certaines
on apprend autre chose que du dérives médiatiques où certains
football. On y apprend aussi le commentaires excessifs ou trop
vivre ensemble, la solidarité, le pressés. Effectuer cet apprentis-
respect des autres. Si on incul- sage volontaire citoyen en plus
que que les seules valeurs du football il y a déjà ce message qui de l’apprentissage collectif du
passe. Serrer la main à l’adversaire, respecter l’arbitre, rien que
cela c’est primordial pour des gamins qui n’ont parfois pas ces vivre ensemble sont plus récents alors que les besoins sont
structures d’autorité en dehors. Mais parallèlement à cet aspect plus anciens. Le football a pris un virage. Il est conscient de ses
sportif, il y a également un effort de réflexion qui va de l’aide responsabilités sociétales et il les assume au-delà de sa simple
aux devoirs, au respect de l’environnement, jusqu’au soutien fonction. Dans ce cas le football est plus que du football.
aux plus démunis. On se sert du club comme moyen de rassem-
bler une collectivité pour avoir un but social supplémentaire. En Mais est-ce bien son rôle de porter une telle charge ? Dans
tant que tel, l’apprentissage d’un sport, surtout collectif, permet quelle société voulons-nous vivre ? Est-ce que c’est une société
déjà d’acquérir ce vivre ensemble. En plus se greffe sur cet ap- où les antagonismes sont plus vifs, où les égoïsmes se déve-
prentissage basique des efforts supplémentaires citoyens de la loppent, où il y a de plus en plus d’inégalités et d’exclusions ?
part des éducateurs et du club. On parle d’ailleurs désormais Grâce au football il y a un peu de lien collectif qui est recréé
d’éducateurs et non plus d’entraîneurs. Les gens sont de plus en et au moment où la tentation du chacun pour soi pèse un peu
plus formés et exercent une fonction sociale. Ils n’apprennent plus, ce sport est pleinement conscient de ses responsabilités
à l’égard des autres et peu importe si ce rôle est lourd et qu’il
n’est pas vraiment le sien. Nous avons besoin de tous.
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