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DOSSIER SPÉCIAL Stadium mag
métropoles, dès les années 1990, car ils ont pris conscience que ment, en un mot de ne pas savoir développer des projets. J’en
les jeunes qu’ils recevaient étaient touchés par les problèmes donnerai un exemple, celui de la manière dont ont été utilisées
émergents à l’époque du chômage, de la rupture scolaire, de la les différentes initiatives destinées à favoriser l’emploi. Prenons
ségrégation de certains territoires et que les clubs entraient de les emplois jeunes. Trop souvent, ils n’ont pas donné lieu à un dé-
plus en plus dans une logique compétitive leur faisant oublier veloppement de missions nouvelles. Les jeunes ont souvent été
leurs tâches éducatives. D’autant que ces années voient aussi affectés aux affaires courantes, mais très peu pour des missions
les transformations de l’économie du football et le développe- éducatives. Quelques clubs l’ont fait. Beaucoup d’autres non. Ce
ment des sollicitations financières qui font n’est pas tant ici un déficit d’initiatives pu-
penser aux jeunes qu’ils auraient plus à bliques que la façon dont une partie du
gagner à être de bons footballeurs que de "Trop souvent, les monde sportif était en capacité de déve-
bons élèves. Cette époque est aussi une emplois jeunes n’ont lopper des objectifs pour un club autres
période dans laquelle se multiplient les pas donné lieu à un que ceux strictement liés aux résultats de
politiques publiques engagées par l’Etat l’équipe première.
pour lutter contre le chômage ou la dé- développement de
linquance des jeunes et qui voient dans missions éducatives" En conclusion, quelle analyse faites-
le sport un moyen d’y remédier en favo- vous du fonctionnement des clubs de
risant l’accès à l’emploi ou en faisant de football amateurs français par rapport à
la pratique sportive la base de l’intégration des valeurs sociales ce que vous avez pu étudier en Allemagne ou en Angleterre
et morales. C’est dans ce contexte que la notion de club citoyen ? Le club de football français est plus intégré à la dimension de
surgit en lien donc avec la thématique des banlieues et de toutes politique municipale que les clubs étrangers. En France, un club
les questions sur l’intégration et sur la place des jeunes issus de est municipal ou dépend fortement de la municipalité. Ce qui est
l’immigration. Aujourd’hui, nous sommes en 2016, les premiers un avantage pour leur fonctionnement, mais cela peut avoir un
grands programmes de l’insertion du sport dans les programmes inconvénient dans la mesure où ils peuvent perdre une certaine
politiques de la ville remontent aux années 80. On ne peut que énergie militante. En Angleterre ou en Allemagne, l’intervention
constater aujourd’hui que quelque chose n’a pas bien fonctionné. publique est moindre, le monde sportif est en général indépen-
dant par rapport à l’Etat. L’inconvénient peut être quelquefois que
Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné concrètement pour vous ? les clubs se constituent sur des bases communautaires. L’avan-
Du côté du monde sportif on a pu avoir la tentation ou l’idée de tage, c’est que cela donne un dynamisme aux clubs qui ont l’obli-
considérer que ce n’était pas à soi de le faire. Ca peut se dire en gation de réfléchir à ce qu’il faut pour pouvoir survivre, se faire
affirmant que l’on n’a pas les moyens économiques ou humains, reconnaître. Du côté français, la municipalisation a eu l’inconvé-
mais aussi en soulignant que pour un club la mission première nient d’acter un partage du travail entre le club qui fait du sport et
est de faire du foot, qu’il ne peut pas se substituer aux familles la municipalité qui fait du social ou de l’éducatif, au risque d’une
ou à l’école. Et puis il y a un deuxième aspect, il s’agit de la instrumentalisation du sport par la politique.
question de la continuité des
politiques. Ce qu’on constate
depuis les années 80, c’est
qu’il y a toute une succes-
sion de plans, qui durent 1,
2 ou 3 ans, qui ne sont pas
évalués et qui s’arrêtent. Il
y a donc aussi un problème
de continuité qui concerne
la puissance publique au
niveau de l’Etat mais aus-
si la puissance publique au
niveau local. Cela peut faire
penser qu’on a affaire à des
politiques d’image. Pour en
revenir aux clubs de foot-
ball, on peut leur reprocher
de n’avoir pas su développer
d’autres objectifs que d’avoir
des résultats sportifs, d’être
conditionné par le rythme
des compétitions et non par
une vision de la place du
club dans son environne-
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